Une incarnation au travers du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur de la ville de Tours

Introduction

La loi Malraux apparaît en 1962 comme un dispositif d’exception par rapport à l’idéologie urbanistique dominante d’après-guerre à l’époque : la tabula rasa ; qui menaçait d’éventration, voire de destruction des centres historiques et des quartiers anciens. Elle met en place les PSMV et reconnaît en tant que patrimoine les ensembles urbains et non plus la simple somme de monuments historiques. Ainsi on ancre la démarche de protection patrimoniale sur la notion des ensembles avec une volonté de sauvegarder mais aussi de mettre en valeur « tout ou partie d’un ensemble d’immeubles, présentant un aspect historique ou esthétique, ou de nature à justifier une restauration et une mise en valeur »(1).

Cette loi place l’Etat au cœur de la mise en œuvre de ce dispositif d’intérêt national, que représente ce patrimoine urbain. En effet, celui-ci pouvant créer un secteur sauvegardé contre la volonté de la collectivité par décret en conseil d’Etat, ce qui en réalité n’a jamais été fait, car le dialogue a été toujours priorisé et les secteurs sauvegardés existants ont tous été créés en commun accord entre les collectivités et l’état (1).

Le socle réglementaire de PSMV est défini par les conditions architecturales et de conservation des immeubles et du cadre urbain et l’indication des immeubles ou ensemble d’immeubles ne devant pas faire l’objet de démolition, d’enlèvement, de modification ou d’altération. En 1976 l’État ajoute une disposition qui permet, au même document, d’indiquer les immeubles dont la démolition ou la modification pourra être imposée (1).

L’année 1978 est marquée par l’effondrement du pont Wilson à Tours. Il a été la conséquence des extractions constantes de sable dans la Loire qui ont causé des dommages irréparables, notamment au niveau des fondations en bois des ouvrages présents sur la Loire. De plus, des inondations se sont produites en septembre 1980, à l’origine de la catastrophe de Brives-Charensac en Haute-Loire.

Dans le contexte de tous ces évènements, un conflit idéologique entre aménagements lourds et principes de renaturalisation est initié. Ce conflit oppose en 1983, le tout nouvel Établissement Public d’Aménagement de la Loire et de ses Affluents (EPALA), créé en réponse aux inondations, aux mouvements écologistes qui défendent l’adaptation naturelle du fleuve à son milieu (2).

En effet, dans la décennie des années 80, le patrimoine est encore entendu et perçu au sens de patrimoine culturel (et pas encore naturel), renvoyant alors à des constructions bâties. Issues de cette conception du bâti en tant que patrimoine, en 1983 les Zones de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain (ZPPAU) sont créées. Elles visent à définir en accord entre l’Etat et les collectivités les modalités de gestion d’un secteur urbain d’intérêt patrimonial (1).

La mise en avant des dimensions paysagères ou naturelles n’apparaît ainsi pas dans les outils des politiques publiques des années 1980-90. Par ailleurs, ce conflit entre aménagement lourds et renaturation des berges de la Loire peut globalement être considéré jusqu’en 1995, correspondant aux années de Jean Royer, maire de Tours et responsable d’EPALA, orientant en conséquence les politiques du côté des aménagements lourds.

Au niveau national, les ZPPAU sont remplacées sous la même volonté de coordination Etat-collectivités, dans l’année 2010, par des Aires de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP). Finalement, ces dernières sont remplacées par des Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR) dans l’année 2016.

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Les sites patrimoniaux remarquables de la région Centre-Val de Loire, Source: DREAL Centre-Val de Loire, 2017

Les communes qui s’engagent dans cette démarche ont la possibilité de demander une aide de l’Etat qui peut aller jusqu’à 50% du coût H.T. des études sur le patrimoine. L’avancement des études est suivi par le service départemental de l’architecture et du patrimoine concerné, avant la validation de la démarche de protection et de permettre à la commune de procéder à la création du SPR (3). Cependant à Tours, cette démarche n’a jamais démarré car le territoire comptait déjà avec secteur sauvegardé comme dispositif de protection et de mise en valeur du patrimoine.

Dans l’année 2000, les politiques publiques initient la transition vers la reconnaissance des dimensions paysagères et naturelles en tant que patrimoine. Cela à travers une précision apportée aux PSMV par l’ajout d’ « immeubles bâtis ou non ».  Cette précision permet de prendre en compte le fait que les secteurs sauvegardés s’adressent non seulement à des constructions bâties mais aussi à des espaces. Cet outil s’ouvre progressivement à une véritable démarche urbaine. Ainsi, en 2005, la notion de compatibilité entre le PSMV et le Plan Local d’Urbanisme (PLU), en particulier avec le projet d’aménagement et de développement durable (PADD), est introduite. Finalement, en 2007 la maîtrise d’ouvrage des études des PSMV est déconcentrée auprès des directions générales des affaires culturelles (1). Aujourd’hui la législation reconnaît et différencie le patrimoine culturel du patrimoine naturel.

Le patrimoine culturel, défini dans le code du patrimoine (2004), s’entend  comme « l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique ». Il est ainsi rattaché au Ministère de la culture à l’échelle nationale, dépend de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la région Centre-Val-de-Loire (DRAC), et plus particulièrement des Unités Départementales de l’Architecture et du Patrimoine d’Indre-et-Loire (UDAP).

A l’échelle de Tours Métropole Val-de-Loire, une mise en révision du PSMV en 2008 a permis une extension de l’aire du secteur sauvegardé, ainsi ce secteur est passé de 90 à 150 hectares afin de protéger des bâtiments patrimoniaux du territoire tels que l’Hôtel de Ville et la Gare de Tours, ainsi que des espaces emblématiques comme la Place Jean Jaurès et le jardin de la Préfecture (1).

Secteur sauvegardé de la ville de Tours en 2008. Source : lanouvellerépublique.fr, 2012

L’inventaire concernant le patrimoine culturel s’élève actuellement à 1352 enregistrements renvoyant aux architectures et aux objets mobiliers. La majorité de ces enregistrements sont présents sur la commune de Tours, à raison de 1309, et s’expliquant par leur présence dans le secteur sauvegardé (4).

La dernière révision du PSMV en 2014 a modifié le statut de 4 hectares qui étaient prévues par l’ancien document en tant qu’immeubles soit à conserver soit à reconstruire. Une réglementation qui ne pouvait pas répondre au projet urbain sur lequel la ville s’engageait : le projet de haut de la Rue Nationale, ou « Les Portes de Loire » comme il est connu aujourd’hui (1).

Le nouveau PSMV présente des réponses pour chaque orientation du PADD : Tours, cœur d’une métropole active et attractive ; Tours, ville des mobilités durables ; Tours, ville d’accueil et de mixité ; et Tours, ville de Loire et de l’harmonie urbaine. Il a gardé une composition urbaine axée sur la symétrie, mais permet désormais la construction des bâtiments plus hauts en partie nord de la Rue Nationale R+7 en tête d’îlot pour bien marquer l’entrée du secteur et R+4 juste à l’arrière. Il y a possibilité d’épaississement à l’arrière pour les bâtiments situés Rue Nationale et Rue du Commerce avec des volumes plus bas pour améliorer le fonctionnement des futures activités et avoir une deuxième façade donnant sur le cœur d’îlot (1).

Conclusion

Aujourd’hui le, PSMV de la ville de Tours établit des dispositions pour les immeubles ou parties d’immeubles à conserver au titre de leur intérêt patrimonial. Il énonce notamment les conditions particulières de constructibilité ainsi que des dispositions pour les immeubles non bâtis, dits espaces libres (5).

Plan PSMV de la ville de Tours, Source : Règlement PSMV de Tours, 2014

Dans les immeubles bâtis le PSMV fait une sous classification en type A et type B. Sur la carte les immeubles type A apparaissent en couleur gris foncé ; dans ces constructions la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et la modification est soumise à des conditions spéciales. Les immeubles type B apparaissent en couleur grise et ce sont des constructions dont le réaménagement, pouvant comporter des interventions sur la structure et/ou sur la répartition des volumes existants, est autorisé sous conditions (5).

En gris pâle, on observe des immeubles qui peuvent être conservés, améliorés ou démolis. En couleur jaune foncé, il s’agit des immeubles dont la démolition ou la modification peuvent être imposées à l’occasion d’opérations d’aménagement publiques ou privées (5).

Ces dispositions sont applicables sur les immeubles publics mais aussi sur des propriétés privées sous les mêmes conditions. Ainsi la propriété privée dans un secteur sauvegardé se voit soumise à ces différentes normes. En effet, les habitants propriétaires des immeubles à l’intérieur des limites du périmètre de ce secteur doivent s’informer du statut de leur ou leurs propriétés et des dispositions à respecter dans le cadre de la préservation et la mise en valeur du patrimoine de la ville.

Les bords de Loire sont couverts par un jaune pâle qui représente des espaces libres à maintenir sans bâtis, sauf conditions précisées au règlement. Les polygones verts sur la carte représentent des espaces à dominante végétale protégés pour leur intérêt patrimonial et/ou historique et pour la qualité du paysage urbain et du cadre de vie (1). De cette manière, aujourd’hui, le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur de Tours gère le patrimoine culturel bâti, met en valeur la Loire et assure la protection du patrimoine naturel à travers les espaces libres.


Bibliographie

1.     ANVPAH & VSSP. 9ème Rencontres Nationales des Espaces Protégés. Quel avenir pour les secteurs sauvegardés et les espaces protégés? [Internet]. 2015 [cité 14 déc 2020]. Disponible sur: https://www.sites-cites.fr/wp-content/uploads/2017/05/actes_tours_et_chinon_vf_numeriq.pdf

2.     DOLIGÉ E. Observations définitives de la chambre régionale des comptes sur la gestion de l’établissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents [Internet]. [cité 3 nov 2020]. Disponible sur: https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/CEL200109.pdf

3.     Ministère de la Culture. Les ZPPAUP-AVAP [Internet]. 2014. Disponible sur: https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Ile-de-France/Patrimoines-Architecture/Architecture-urbanisme-et-sites/Les-ZPPAUP-AVAP

4.     Tours Métropole. Inventaire du patrimoine culturel sur Tours Métropole Val de Loire [Internet]. [cité 3 nov 2020]. Disponible sur: https://data.tours-metropole.fr/explore/dataset/inventaire-du-patrimoine-culturel-en-region-centre-val-de-loire0/

5.     05-PSMV-REGLEMENT-06-fevrier-2014-Modifie-28-avril-2016.pdf.

Références connexes