L’émergence d’un paysage culturel d’exception
Introduction
C’est en 1994 que la mise en valeur de la Loire et de ses atouts prend un tournant notable avec la mise en œuvre du premier Plan Loire Grandeur Nature (PLGN) à l’échelle du bassin de la Loire. Ce nouveau plan d’aménagement a été conçu pour changer de paradigme en matière d’aménagement de la Loire en conciliant concilier développement économique et protection de la nature après une décennie de conflits autour de la réalisation des barrages prévus pour mieux contrôler les débits de la Loire après les crues de 1980 en Haute-Loire.
A travers le Plan Loire Grandeur Nature, l’Etat représenté par un préfet coordonnateur de bassin, affirme trois objectifs clés : la sécurité des populations face aux risques d’inondation et la gestion de la ressource en eau, la protection et la préservation des espaces naturels et finalement l’amélioration de la qualité paysagère de la Loire. Les nouveaux principes d’aménagement du bassin ligérien affichent dès lors une dimension essentiellement écologique.
Sur les territoires concernés, la lecture de ces desseins est perçue dans le courant des années 1990 à travers la création d’ «outils réglementaires comme les ZNIEFF (Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique), les ZICO (Zone d’intérêt pour la conservation des oiseaux), l’inscription du lit de la Loire sur la liste Ramsar, ou encore la mise en place d’un réseau Natura 2000»(1). La création du parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine en 1996 reste un des exemples le plus illustratif de la mise en œuvre de ce nouvel « arsenal administratif »(1).
En 1999, cinq ans après sa mise en œuvre, le Plan Loire Grandeur Nature s’enrichit et incorpore une dimension patrimoniale en prenant désormais en compte la mise en valeur du patrimoine paysager et culturel des vallées ligériennes dans ses axes structurants. Parmi les actions en faveur de cette mise en valeur patrimoniale de la Loire figure son classement au titre de patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que paysage culturel évolutif vivant en 2000. La naissance de ce nouvel espace est le produit de la volonté propre des acteurs locaux en l’occurrence les collectivités territoriales des régions et villes concernées. A l’époque, l’instruction et le suivi du dossier auprès du Centre du Patrimoine Mondial ont été effectués par les services départementaux de l’architecture et de la communication (SDAP) et les directions régionales de l’environnement (DIREN).
Pour certains auteurs qui se sont emparés de l’analyse de l’inscription du Val de Loire au titre de patrimoine mondial de l’UNESCO et de ses effets sur les territoires, cette labellisation, non loin de marquer un clivage avec la logique de protection environnementale de la Loire « apparaît comme prolongement, ou un possible aboutissement d’un processus de transformation / modernisation des questions écologiques telles qu’elles sont construites sur le territoire par des acteurs en situation »(1). L’appropriation des différents outils issus du Plan Loire Grandeur Nature et leur mise en récit sur les territoires auraient donc insufflé un élargissement de la notion de protection environnementale qui prend désormais en compte la mise en valeur culturelle et patrimoniale du fleuve et de ses paysages.
Les valeurs universelles exceptionnelles reconnues par l’UNESCO
Cette classification du Val de Loire en tant que patrimoine mondial est fondée sur son caractère exceptionnel. Trois critères avaient été identifiés par l’UNESCO comme valeurs universelles exceptionnelles. En premier lieu, l’UNESCO reconnaît le Val de Loire comme bien « remarquable pour la qualité de son patrimoine architectural» (2) notamment avec la présence de châteaux et sites architecturaux de renommée internationale.
En second lieu, le Val de Loire laisse apparaître un paysage exceptionnel et des monuments culturels preuves de « l’influence des idéaux de la Renaissance et du siècle des Lumières sur la pensée et la création de l’Europe occidentale»(2), enfin le Val de Loire illustre parfaitement un « développement harmonieux d’interactions entre les hommes et leur environnement sur plus de deux mille ans d’histoire»(2), C’est ce dernier critère qui marque la jointure, l’interdépendance entre le patrimoine architectural du territoire ligérien, les ressources naturelles en particulier biologiques interagissant avec le fleuve et les activités anthropiques. La labellisation du Val de Loire ne fait donc pas de distinction entre ce qui est du ressort « du règne de la Nature (la faune et la flore) et le reste, ni entre le ‘beau’ ou le ‘remarquable’ (le Grand site) et le banal (l’espace ordinaire) »(1), elle jumèle deux dimensions principales: l’une « écologique », l’autre « culturelle » marquant ainsi une continuité dans l’approche d’aménagement environnementaliste voulue par les acteurs ayant initié le processus de classement auprès de l’UNESCO.
La reconnaissance du Val de Loire par une instance internationale comme l’UNESCO a fait émerger un espace exceptionnel. C’est au total un linéaire de 260 km sur une largeur de quelques kilomètres : de Sully-sur-Loire à l’est d’Orléans dans le Loiret à Chalonnes-sur-Loire à l’ouest d’Angers dans le Maine-et-Loire englobant ainsi quatre départements et deux régions qui constituent désormais le site classé.
La création d’organes de gestion du périmètre classé
En termes de gouvernance, cette inscription significative a incité à la création de trois structures de gestion du périmètre classé. La première, la Conférence territoriale animée par un préfet chargé du bassin, rassemble les élus des territoires localisés sur les portions classées. Ensuite, le Comité de développement jouant le rôle d’un organisme d’expertise et de consultation, regroupe des représentants du tissu associatif, des syndicats et autres organisations socio-professionnelles.
Enfin, la Mission Val de Loire au cœur de la gestion du site, qui coordonne les instances précitées. Créée en 2002, la Mission Val de Loire est l’organe de référence porté par les régions Centre-Val de Loire et Pays de Loire chargé de “faire vivre le label UNESCO”. C’est un syndicat mixte interrégional qui joue le rôle d’intermédiaire entre les différents acteurs et assure la communication et la promotion de projets et d’évènements visant à valoriser les atouts confortant la valeur de paysage d’exception du site UNESCO.
C’est le « Plan de gestion », un référentiel commun élaboré par la Mission Val de Loire en collaboration avec l’Etat et les régions concernées qui présente les orientations non-prescriptives en matière de gestion, de protection et de préservation des valeurs exceptionnelles identifiées par l’UNESCO. Cette gestion concertée a permis l’élaboration d’une charte de bonne conduite signée par l’ensemble des parties prenantes.
Parallèlement, plusieurs projets ont également été développés par cette instance, à l’instar de “La Loire à Vélo”, une vaste piste cyclable de près de 900 kilomètres qui relie Cuffy (Nevers) à Brevin-les-pins (Loire-Atlantique) créée en 1995 mais aussi le programme d’actions “Les Châteaux de Loire” destiné à faire du Val de Loire un lieu touristique exceptionnel à travers la promotion de ses châteaux.
Les acteurs de la mise en valeur patrimoniale
Aujourd’hui, les interactions entre les différents acteurs de la mise en valeur patrimoniale de la Loire peuvent être illustrées par le schéma d’acteurs qui suit :
Conclusion
En somme, l’inflexion écologique (1) impulsée par la volonté de changer de paradigme sur l’aménagement de la Loire suite aux conflits opposants “aménageurs” et ”écologues” s’est dans un premier temps traduite par la mise à disposition des collectivités d’outils de protection et de valorisation du patrimoine naturel. La mise en œuvre de ces mécanismes et leur appropriation par les acteurs locaux a dans un second temps permis l’émergence d’une approche environnementaliste de la gestion Loire incluant cette fois-ci une mise en valeur patrimoniale et paysagère d’une partie du territoire ligérien. Cette reconnaissance du Val de Loire par l’UNESCO a contribué à une réorganisation de la gouvernance sur les territoires ancrés dans le périmètre classé. C’est dans ce cadre que des instances ont été créées pour assurer une gestion partagée et concertée, et une mise en valeur du nouveau label symbole d’une reconnaissance de la valeur culturelle et paysagère du Val de Loire. Une logique d’action portée par la Mission Val de Loire apparaît alors à travers la promotion de projets et d’évènements visant à promouvoir les patrimoines naturel, culturel et patrimonial des territoires inscrits. La patrimonialisation du Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes-sur-Loire semble alors avoir mis à disposition des territoires ligériens, un outil de promotion touristique et de valorisation patrimoniale.
Bibliographie
1. Baron Yelles N. L’inscription du Val de Loire au Patrimoine Mondial UNESCO [Internet]. 2006 [cité 6 oct 2020]. Disponible sur: https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2006_num_83_3_2523
2. UNESCO. Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes [Internet]. [cité 9 oct 2020]. Disponible sur: https://whc.unesco.org/fr/list/933/documents/
Références connexes
- Mission Val de Loire.org. Mission Val de Loire [Internet]. [cité 2 oct 2020]. Disponible sur: https://www.valdeloire.org/
- DREAL Centre-Val-de-Loire. Plan de Gestion du Val de Loire [Internet]. 2012 [cité 6 oct 2020]. Disponible sur: http://www.centre-val-de-loire.developpement-durable.gouv.fr/le-plan-de-gestion-du-val-de-loire-a2937.html