Urbanisme et étalement urbain

Les orientations 3 et 4 du Plan de gestion [1] ont édicté des objectifs permettant de maîtriser et d’organiser le développement urbain. Cependant, le caractère non contraignant du Plan, s’il lui permet d’être adapté selon les territoires, ne garantit pas son effectivité dans des documents d’urbanisme. De plus, les rédacteurs de ces documents évoluent, l’intercommunalité étant amenée à remplacer les communes pour l’édiction des Plans locaux d’urbanisme. Or, ce changement fait évoluer les interlocuteurs de la Mission Val de Loire en la matière. En outre le Plan de gestion connaît des carences à l’égard de certaines problématiques liées à l’aménagement des villes.

Orientation n°1 – Mettre en place une Charte des paysages ligériens à valeur exceptionnelle

Diagnostic

Le Plan de gestion du Val de Loire UNESCO établit différents éléments paysagers au vu desquels l’urbanisation et l’étalement urbain doivent être pensés comme la préservation des flancs et hauts de coteaux ou des entrées de villes. Si ses propositions envisagent des solutions aux problématiques urbanistiques du Val de Loire, leur caractère souple n’a pas permis un suivi rigoureux et uniforme par les collectivités et leurs groupements. De plus, les récentes réformes du droit de l’urbanisme font évoluer les rédacteurs des plans locaux d’urbanisme. Ils sont désormais rédigés, sauf exceptions, par des intercommunalités, territoires plus vastes et parfois moins concernés par le périmètre du Plan de gestion.

Proposition d’action

Cette première proposition consiste en la création d’une Charte des Paysages Ligériens à Valeur Universelle Exceptionnelle, document non contraignant. Elle reprendrait les aspects urbanistiques du Plan de gestion dont le respect est le plus impératif et servirait de guide pour la rédaction des documents d’urbanisme. La Charte devra donc contenir deux axes principaux d’intervention :

  • Expliciter la présence du Plan de gestion dans les documents d’urbanisme à travers plusieurs propositions :
    • Faire apparaître dans le règlement et son plan de zonage des PLU et PLUI les secteurs devant faire l’objet d’une urbanisation prioritaire et ceux devant être préservés au regard de leur valeur universelle exceptionnelle et par renvoi au Plan de gestion et à la Charte.
    • Délimiter dans le règlement et son plan de zonage des PLU et PLUI ou dans le Document d’orientation et d’objectif du SCoT des zones naturelles forestières à préserver de l’urbanisation en raison de leur qualité de coupure verte par renvoi au Plan de gestion à la Charte.
    • Mettre en valeur dans le règlement et son plan de zonage des PLU et PLUI de secteurs dans lesquels les règles d’urbanisation doivent prendre en compte des perspectives remarquables par renvoi à l’objectif 4.3 du Plan de gestion et à la Charte.
  • Remettre en valeur des entrées de villes et intercommunalités par la prise en compte de leur qualité paysagère dans le règlement des PLU et PLUi et dans le Document d’orientation et d’objectifs du SCoT et par un renvoi au Plan de gestion et à la Charte.

En contrepartie de ce nouvel engagement, les communes respectant la Charte pourront bénéficier d’une mise en valeur touristique. D’une part, les communes et EPCI signataires bénéficieraient d’un panneau d’entrée de ville arborant un logo propre à la Charte, élaboré en partenariat avec la Commission nationale française pour l’UNESCO (CNFU) [2]. D’autre part, une page internet sur le site du Val de Loire ou y renvoyant recenserait les territoires engagés et des zones faisant l’objet d’initiatives de préservation. Du fait de son objet, elle pourrait, sur accord de la CNFU, bénéficier des logo et emblème UNESCO.

Ci-avant : Pont des Rosiers-sur-Loire, Gennes-Val de Loire, Maine-et-Loire (49) [1]
Ci-dessus : Quais de la Loire, rive Nord, Orléans, Loiret (45) [2]

Se pose alors la question du support juridique de cette charte qui a vocation à s’appliquer non pas sur le périmètre actuel du Val de Loire mais à correspondre aux délimitations des documents d’urbanisme. Une première solution consisterait à agrandir le périmètre protégé afin qu’il se calque sur les délimitations urbanistiques du territoire. Mais cette redéfinition implique d’englober des territoires ne présentant pas les critères pour être classés par l’UNESCO et pourrait donc ne pas aboutir.

Une seconde solution serait de créer un nouveau syndicat mixte dont le comité de direction encadrerait l’usage des logos et suivrait l’application de la Charte. Il permettrait de redéfinir le périmètre d’application des orientations 3 et 4 du Plan de gestion pour mieux coller aux frontières des rédacteurs des PLU. Son objet pourrait alors être la promotion du tourisme, compétence détenue par les régions, départements et communes, ces dernières l’exerçant par principe dans le cadre de leurs EPCI selon les articles L. 111-1 et L. 134-1 du Code du tourisme [3].

La Charte ambitionne donc d’aider les rédacteurs des documents d’urbanisme. Elle s’adresse particulièrement aux auteurs des PLU, du fait de leur portée contraignante, que sont les intercommunalités depuis le 27 mars 2017 et, par exception, certaines communes ayant conservé leur compétence. La Charte concerne aussi les rédacteurs des SCoT, c’est-à-dire des groupements de communes sous forme d’intercommunalité ou de syndicat mixtes en regroupant. Ils sont moins prescriptifs et recouvrent un plus large périmètre mais ont un rôle intégrateur et harmonisateur des réglementations. Finalement, la Charte s’adresse aussi aux acteurs privés, invités à la prendre en compte dans leurs projets de construction (notamment pour les projets de grande ampleur).

➜ Communes et EPCI rédacteurs de PLU ou PLUi, documents en tenant lieu ou cartes communales ; syndicats intercommunaux rédacteurs de SCoT ; institutions (DREAL, DDT) ; sociétés privées impliquées dans l’aménagement du territoire (associations, entreprises de construction).

Orientation n°2 – Favoriser la création et le développement des espaces verts en milieu urbain

Diagnostic

Si le Plan de gestion tient compte de nombreuses problématiques liées à l’urbanisme [1], de manière presque exhaustive et en ciblant parfaitement son objet territorial, il fait cependant l’impasse sur les espaces verts urbains, qui se sont avérés être des éléments-clés des politiques urbanistiques modernes, la préservation de l’existant étant préférée à la création de nouveaux espaces. Il ne s’agit pas uniquement de favoriser la biodiversité, mais surtout les bienfaits de la végétation sur l’environnement urbain.

Proposition d’action

Dès lors, sur quelles solutions et dispositifs le Plan de Gestion renouvelé pourrait-il s’appuyer afin de favoriser la création d’espaces verts en milieu urbain ?

Jardin des Plantes, Orléans, Loiret (45) [3]

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) fournit une définition des espaces verts urbains [4], par des catégories déterminées selon leurs formes, leurs tailles, leurs situations ou leurs usages :

➜ Les grands parcs

➜ Les petits parcs et les squares

➜ Les jardins collectifs

➜ Les corridors verts

➜ Les abords des voies de circulation

➜ Les cours d’immeubles et les jardins privatifs

➜ Le cadre bâti (toits végétalisés)

L’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) du 11 juillet 2018, intitulé « La nature en ville : comment accélérer la dynamique ? » [5], a émis certaines « préconisations » se rattachant à ces enjeux précis. Ce document, complet et adéquat, constitue le fondement principal des propositions formulées. Seront sélectionnés ses éléments les plus pertinents, remis en perspective en fonction des circonstances propres au périmètre de la Mission Val de Loire. Parmi les vingt-deux préconisations que compte l’avis du CESE cité précédemment, trois en particulier sont à distinguer.

D’abord, la préconisation 3 suggère l’intégration de ces espaces verts urbains dans des friches industrielles, comme ce pourrait être le cas dans certains secteurs du quartier Giraudeau de Tours, à prioriser par rapport à une simple revalorisation de l’espace (transformation en habitations ou en commerces par exemple). Il est envisageable de s’appuyer sur les programmes pluriannuels d’intervention (PPI) des établissements publics fonciers (EPF), qui pourraient conseiller notamment sur l’intégration de la trame verte et bleue dans les PLUi. De même, l’Action cœur de ville, mise en place par le Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales en décembre 2017, est aussi proposée pour favoriser la création d’espaces végétaux en milieu urbain. Trois des 222 villes moyennes que compte cette initiative se situent sur le périmètre de la Mission Val de Loire : Blois, Chinon et Saumur.

Jardin René Boylesve, Place de Strasbourg, Tours, Indre-et-Loire (37) [4]

Ensuite, la préconisation 5 porte sur le Plan nature en ville, institué par la Loi Grenelle I du 3 août 2009. Ancien, ce dispositif fut partiellement relancé par le Plan biodiversité, proposé par le Comité interministériel biodiversité le 4 juillet 2018, dont le tout premier des 24 objectifs s’intitule « Développer la nature en ville et offrir à chaque citoyen un accès à la nature ». Outre des ambitions chiffrées, il incite les collectivités de plus de 100 000 habitants (Orléans, Tours et Angers dans le périmètre de la Mission Val de Loire) à se doter d’un Plan nature en ville. Il s’agit aussi de souligner les actions entreprises par les différents acteurs énoncés ci-après.

Cette préconisation prône l’articulation des stratégies régionales biodiversité (SRB) avec les stratégies locales (plan biodiversité des villes), en partenariat avec l’AFB, devenue OFB depuis la loi du 24 juillet 2019. La SRB de la Région Centre-Val de Loire, adoptée en juillet 2020, comporte un objectif de « installer la Nature en ville et végétaliser les espaces », en collaboration étroite avec l’ARB, créée en Centre-Val de Loire le 1er janvier 2019. Plusieurs propositions précises et ciblées y sont détaillées, dont des modalités de financements.

Enfin, la préconisation 15 vise à soutenir le commerce local en circuit court en développant une nature “comestible”, par la plantation d’arbres nourriciers, ou encore le développement des jardins collectifs et familiaux (consolidation de leur statut juridique).

Est à noter, selon le CEREMA [4], l’application aux espaces verts urbains de principes analogues à l’ordre de priorité Éviter-Réduire-Compenser, qui régit le droit de l’environnement, à savoir Préserver-Restaurer-Développer.

➜ Institutions (DREAL, DDT, PNR, EPF…) ; futurs gestionnaires des espaces verts, dès l’amont du projet, à des fins anticipatives ; experts (muséum, conservatoire…) ; milieu associatif, dans une moindre mesure.

Orientation n°3 – Intégrer grâce à la concertation des objectifs de maîtrise de l’étalement urbain et d’organisation du développement urbain dans les documents locaux d’urbanisme

Diagnostic

En matière d’urbanisme et d’étalement urbain, les objectifs du Plan de gestion reposent sur l’implication de divers acteurs [1]. Au-delà, ce sont les outils, précisément les documents d’urbanismes locaux dont ils disposent, qui méritent d’être mobilisés, pour une prise en compte effective des objectifs urbanistiques portés par la Mission Val de Loire.

La principale menace relative ici, est le manque de connaissance sur les enjeux de la reconnaissance en tant que Patrimoine Mondial, notamment par les élus porteurs de documents d’urbanisme, ce qui conduit à une prise en compte variable des objectifs selon les communes et EPCI du périmètre.

Proposition d’action

Le Plan de gestion comporte 2 orientations à vocation urbanistique, d’une part « Maîtriser l’étalement urbain », et d’autre part, « Organiser le développement urbain », chacune étant assortie d’objectifs plus précis. Ces orientations sont proches de l’esprit du droit de l’urbanisme tel qu’il évolue. La lutte contre l’étalement urbain (art. L. 101-2 du Code de l’urbanisme [6]), au profit d’une densification des constructions ressort, ainsi que l’évitement d’un développement de constructions de façon anarchique.

Nous proposons l’organisation de concertations portées par la Mission Val de Loire, avec un rôle coordinateur, à destination des élus d’EPCI du périmètre UNESCO, ainsi que l’appui d’agences d’urbanisme du territoire (exemples : agences de Tours, d’Orléans ou Angers). Ces concertations seraient réalisées en amont de la révision des principaux documents d’urbanisme – PLU(I) et de planification – SCoT, afin que les décideurs locaux puissent y intégrer les objectifs du Plan de gestion en connaissance de cause, selon les enjeux suivants :

➜ Éclairer les décideurs locaux sur les enjeux de limitation et d’organisation de l’urbanisation

➜ Leur faire comprendre l’intérêt du respect des objectifs pour le maintien du statut Patrimoine Mondial de la Loire.

➜ Sensibiliser à ces enjeux les communes non couvertes par le périmètre UNESCO, mais membres d’EPCI dont le territoire est en partie couvert.

➜ Répercuter les objectifs UNESCO sur les acteurs privés, grâce aux documents locaux d’urbanisme.

➜ Inciter les EPCI à inclure des enveloppes de constructibilité.

Ci-avant : Rue Denis Papin, Blois, Loir-et-Cher (41) [5]
Ci-dessus : Château d’Amboise depuis la Loire, Amboise, Indre-et-Loire (37) [6]

Le premier document pertinent pour intégrer ces objectifs lors de révisions est le PLU(I) (art. L. 151-1 du Code de l’Urbanisme [6]). C’est un document de proximité, qui permet de fixer des règles opérationnelles, et sert de référence pour l’octroi d’autorisations d’urbanisme. Il apparaît opportun de faire figurer ces orientations au sein du Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du PLU(I) (art. L. 151-5 du Code de l’Urbanisme [6]), qui exprime l’avenir du territoire de l’EPCI et correspond aux engagements pris.

Le PADD est intéressant par son niveau de contrainte intermédiaire, il n’est pas directement opposable aux autorisations de construire (CAA Bordeaux, 14 octobre 2010, Mme Toscano). Les Orientations d’Aménagement et de Programmation du PLU doivent le respecter (art. L. 151-6 Code de l’Urbanisme [6]). Enfin, le règlement du PLU, qui fixe les dispositions générales et servitudes d’utilisation des sols doit être en cohérence avec le PADD, appréciée de manière globale (Conseil d’État, 30 mai 2018, Commune de Sète), ce qui suppose une marge de manœuvre laissée aux communes et EPCI.

Le second document visé par ces concertations est le SCoT, qui à partir du 1er avril 2021 voit son rôle dans la lutte contre l’étalement urbain renforcé. L’article L. 140-10 du Code de l’urbanisme [6] prévoit que le document d’orientations et d’objectifs du SCoT doit comporter des « objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain par secteur géographique ». Le contexte juridique est favorable à l’adoption d’enveloppes fixant la consommation d’espace sur plusieurs années dans les documents d’urbanisme. Cette démarche a été adoptée sous forme d’enveloppe maximale d’hectares consommés par la communauté d’agglomération de Saumur, mais ce dispositif relevait jusqu’alors de la volonté des EPCI. Il serait intéressant d’organiser des concertations préalables à la révision des SCoT concernés, afin  de sensibiliser les élus porteurs de SCoT à cette démarche d’adoption d’enveloppes de constructibilité, directement liée aux enjeux d’étalement urbain et de préservation du paysage ligérien tels qu’ils sont émis dans le Plan de gestion.

➜ Communes et EPCI porteurs de SCoT et de PLU et PLUI ; mission UNESCO Val-de-Loire ; agences d’urbanisme du périmètre UNESCO.

Bibliographie

  1. Plan de gestion de la Mission Val-de-Loire portée par l’UNESCO adopté le 15 novembre 2012
  2. https://www.valdeloire.org/Agir/Utiliser-l-embleme-et-les-logos-Unesco/Utiliser-le-logo-du-bien-inscrit-Val-de-Loire-patrimoine-mondial
  3. Code du tourisme
  4. Fiche Nature en ville n°1 du CEREMA, novembre 2015
  5. Avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) adopté le 11 juillet 2018, « La nature en ville : comment accélérer la dynamique ? », rapporté par Mme Annabelle Jaeger
  6. Code de l’urbanisme

Crédits photos

  1. Vue aérienne du Pont des Rosiers-sur-Loire, Gennes-Val de Loire, Maine-et-Loire (Speculos : Commons Wikimedia ; CC BY-SA 4.0)
  2. Quais de la Loire, rive nord, Orléans, Loiret (Nono vlf : Commons Wikimedia ; CC BY-SA 4.0)
  3. Jardin des Plantes, Orléans, Loiret (Patrick Giraud : Commons Wikimedia ; CC BY-SA 3.0)
  4. Jardin René Boylesve, Place de Strasbourg, Tours, Indre-et-Loire (Guillaume70 : Commons Wikimedia ; CC BY-SA 4.0)
  5. Rue Denis Papin, Blois, Loir-et-Cher (Krzysztof Golik : Commons Wikimedia ; CC BY-SA 4.0)
  6. Château d’Amboise depuis la Loire, Amboise, Indre-et-Loire (Gaetan.lafon : Commons Wikimedia ; CC BY-SA 4.0)